25.10.08

Krysztof Kieslowski ou l'éveil des consciences


Par Nicolas Debarle


Kieslowski aurait pu ne jamais faire de cinéma. Son père voulait en faire un pompier, lui se destinait à une carrière de metteur en scène de théâtre. Il faut dire que, loin d’être attractive et gratifiante, la production cinématographique de la Pologne des années 60 n’avait pour objectif que de servir la propagande communiste. Comment désirer faire du cinéma dans un tel contexte, pour quiconque se sent une âme d’artiste ?

Inscrit à l’école de cinéma de Lódz pour valider son diplôme de théâtre, Kieslowski fait la rencontre de futurs grands réalisateurs (Wajda, Polanski, Munk…) avec qui il prend conscience de la nécessité à démarquer le cinéma polonais du modèle imposé par les bureaucrates du Parti. Cherchant non sans difficultés à souligner les incohérences de la société à laquelle il appartient, Kieslowski livre, de 1968 à 1980, un nombre important de documentaires, plus ou moins politisés, qui lui permettent d’affiner son regard sur le Monde et de considérer les choses non pour ce qu’elles devraient être, mais bien au contraire pour ce qu’elles sont.

S’il faut attendre 1975 pour que le cinéaste se lance pour la première fois dans la réalisation d’un film de fiction, en l’occurrence Le personnel, c’est qu’une telle entreprise lui avait toujours paru vaine et dénuée d’intérêt. Cependant, suite à de multiples déboires avec la censure et la police, Kieslowski se voit contraint de rattacher son discours à une écriture dramatique suffisamment souple et performante, dont le long-métrage Le Hasard (1981) constitue l’exemple le plus frappant.

La loi martiale décrétée en 1981 oblige malgré tout le cinéaste à cesser toute activité. De retour sur les écrans avec Sans fin (1985), Kieslowski s’engage à dépolitiser sa thématique et à l’orienter vers les registres plus intimistes de la religion et de l’éthique, qu’il développera jusqu’à la fin de sa carrière. Caractérisé par un sens de l’abstraction des plus remarquables, le style qu’il met au point dans Le décalogue (1988) lui vaut alors la reconnaissance des pays occidentaux, qui se confirme avec le film suivant La double vie de Véronique (1991).

Résidant en France, où il bénéficie d’importants moyens financiers, Kieslowski conçoit la trilogie Trois couleurs (1993-94) qui apparaît comme le point culminant de toute son œuvre. Résolu à ne plus faire de cinéma après avoir tourné Rouge, le réalisateur décède subitement en 1996, sans avoir donné suite à de nouveaux projets.




Cinéaste du tumulte des consciences, Kieslowski, néanmoins, a su marquer de son empreinte vingt-cinq ans de cinéma polonais pour y avoir apposé le sceau de la liberté d’expression. Plus qu’un mérite, c’est là le fruit d’un véritable exploit.


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