6.1.09

L’IMAGE HYPNOTIQUE: LARS VON TRIER, CINEASTE CHERCHEUR


par Emilie Djiane


Cinéaste-Personnage, qualifié d’extrêmement tourmenté, manipulateur à l’extrême… Lars Von Trier est un des réalisateurs les plus controversé de sa génération. Ces déclarations provocantes, médiatisées comme de vrais coup d’éclats (marketing) suscitent encore et toujours les réactions aussi bien de ses fervents opposants que de ses inconditionnels passionnés. Habitué des festivals (pas un de ses longs-métrages n’a manqué la sélection du Festival de Cannes), sa filmographie laisse entrevoir ses étapes artistiques et se diviserait en trois trilogies : Autour de l’Europe avec The Element of Crime (1983), Epidemic (1987) et Europa (1991) - Autour du cœur avec Breaking the Waves (1996), Les idiots (1998) et Dancer in the Dark (2000)- Autour des Etats-Unis avec Dogville (2003), Manderlay (2005) et prochainement Washington.

Né le 30 avril 1956 à Copenhague d’un père haut fonctionnaire juif, il qualifie sa jeunesse d’extrêmement (voir trop) libre. Fils unique, il évolue dans un univers bourgeois, poussé par sa mère (sympathisante communiste) vers les pratiques artistiques. Dans cet environnement, le jeune Lars Trier, décide seul, à 11 ans, de quitter les bancs de l’école. Ses journées sont alors rythmées par la venue du précepteur et ses pratiques artistiques, principalement cinématographiques grâce à une caméra super 8. Ce manque de repères, la relation particulière entretenue avec sa mère, marquent encore aujourd’hui la personnalité et seraient une clé d’entrée dans la compréhension dans le processus créatif du réalisateur : l’extrême contrôle sur le tournage, la direction du spectateur par une abondance de procédés cinématographiques lourds (plans larges et longs travellings, voix-off omnisciente, stylisation de l’image, rapide alternance de cadrages et de focales…).

Il entre en 1979 à l’Ecole Nationale du Film du Danemark, en section mise en scène. Toujours à l’écart, il ne se fait que peu d’amis. Il rajoute d’ailleurs à cette époque la particule « Von » à son nom. Par « monumentale auto-vénération », « pour être quelqu’un », mais aussi en hommage aux Jazzmen (qui usaient les titres comme Duke ou Count) et aux réalisateurs européens Stroheim et Sternberg. En 1982, son film de fin d’étude Images d’une libération obtient le Prix spécial du Jury du Festival de Munich et contribue à forger son image de cinéaste novateur et exigeant qu’il affirmera ensuite avec les films de sa première trilogie dont Europa fait partie (et pour lequel il obtiendra le Prix du Jury du Festival de Cannes en 1991). Cinéaste de l’image, ses films sont qualifiés de véritables expérimentations formelles à chaque fois renouvelées, d’une éblouissante virtuosité baroque et traitant de ce qui aparaîtront rapidement comme étant ses thèmes de prédilection: le droit à la différence, la domination du Mal et les difficultés de ses personnages, véritables anti-héros, à faire triompher le Bien.

Il ouvre progressivement son œuvre au succès public, avec de grandes productions internationales, à la stratégie de diffusion éclatante (Breaking the Waves) et avec la création en 1992 de sa maison de production Zentropa. Evolution qu’il cherchera plus tard à rejeter à l’occasion du Centenaire du Cinéma en 1995, où il énonce le manifeste d’un nouveau mouvement: Le Dogme 95. Par un ensemble de 10 règles pragmatiques (le Vœu de Chasteté), le Dogme entend mettre fin à la notion d’auteur et libérer le réalisateur des contraintes techniques cinématographiques. Il critique la vacuité de la perfection technique des grandes productions qu’il qualifie de sans but et remet au coeur du dispositif cinématographique l’acteur pour une meilleure prise sur le vif. Le Dogme ne tarde pas à devenir un label où bientôt nombreux réalisateurs du monde entier viendront déposer leurs films. Mais encore un paradoxe de notre réalisateur se trouve dans le fait que seul Les Idiots (1997) se verra estampiller du label avant de confesser que la réalisation du film n’avait pas suivi les préceptes du Dogme durant sa réalisation.
Avec Dancer in the Dark, Lars Von Trier obtient finalement en 2000 la Palme d’Or et offre à la chanteuse Björk le Prix d’Interprétation Féminine pour son premier rôle au cinéma. Les perpétuelles expérimentations du réalisateur se manifestent dans le film par l'intégration de parties chantées d’une extrême légèreté dans l'univers noir, pessimiste et dramatique habituel de l’univers du cinéaste.
Il revient au Festival de Cannes en 2003 avec le premier film de sa trilogie américaine Dogville. Une nouvelle fois, Lars Von Trier connaît les fortes réactions du public en proposant un film au décor unique et dépouillé d’une scène de théâtre.

Lars Von Trier aime déstabiliser, semer le doute… sur lui, ses films, ses croyances. Accusé de méchanceté et de tyrannie durant les tournages, ses rares proches prendront sa défense en le qualifiant de dernier Chevalier du Moyen Age, guidé par un grand sens moral et une obsession dévorante de faire du cinéma. Lors d’une interview accordée aux Cahiers du Cinéma à l’occasion de la sélection de Europa au Festival de Cannes en 1991, le Jeune Lars Von Trier qualifiera ses films de manière un peu obscure de classiques/modernes. Il confessera sa volonté de puiser dans le patrimoine cinématographique tout en voulant s’inscrire dans la modernité par l’expérimentation. Il confessera aussi sa fascination pour l’hypnose et revendique son univers cinématographique éloigné de la réalité. Sans chercher à en tirer l’essence, ni à se rattraper à une quelconque logique, il appartient au spectateur de plonger dans cet univers, accepter l’hypnose des images mises en mouvement faisant de l’expérience cinématographique, plus qu’un moment divertissant, une projection marquant les esprits et de laquelle nous ressortirions transformé ? Le Rendez-vous pour le 15 janvier est pris alors...

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« C’est qu’il n’est pas que le film qui soit une œuvre d’art, la réflexion critique en est une aussi. Elle exige de l’amour, de la sincérité, de l’inspiration. Il y a une muse des ciné-clubs » André Bazin.

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